Þingvellir

Þingvellir (parfois retranscrit Thingvellir), toponyme islandais signifiant littéralement « plaines du Parlement », est un site historique et un parc national du sud-ouest de l'Islande, non loin de la capitale, Reykjavik.

Le nom désigne une plaine entourée des volcans des Hautes Terres. Cette plaine est une dépression correspondant à un graben résultant de l'ouverture de la lithosphère océanique le long de la dorsale médio-atlantique, à la frontière entre les plaques tectoniques nord-américaine et eurasienne. Les failles de ce graben sont particulièrement visibles dans le paysage, dont en particulier Almannagjá, la plus connue. Une grande partie de la plaine est couverte par les forêts appelées Þingvallaskógar, l'une des plus vastes zones boisées du pays. Au sud de la plaine s'étend le Þingvallavatn, plus grand ...Lire la suite

Þingvellir (parfois retranscrit Thingvellir), toponyme islandais signifiant littéralement « plaines du Parlement », est un site historique et un parc national du sud-ouest de l'Islande, non loin de la capitale, Reykjavik.

Le nom désigne une plaine entourée des volcans des Hautes Terres. Cette plaine est une dépression correspondant à un graben résultant de l'ouverture de la lithosphère océanique le long de la dorsale médio-atlantique, à la frontière entre les plaques tectoniques nord-américaine et eurasienne. Les failles de ce graben sont particulièrement visibles dans le paysage, dont en particulier Almannagjá, la plus connue. Une grande partie de la plaine est couverte par les forêts appelées Þingvallaskógar, l'une des plus vastes zones boisées du pays. Au sud de la plaine s'étend le Þingvallavatn, plus grand lac d'Islande, célèbre pour ses eaux limpides.

Ces paysages ont été le théâtre d'événements qui constituent le cœur de l'histoire de la nation islandaise. En effet, la plaine, et en particulier la zone à proximité de la faille Almannagjá, est le lieu originel de rassemblement d'un des plus vieux parlements du monde, l'Alþing, qui y fut fondé dès 930, moins d'un siècle après le début de la colonisation de l'Islande. Ce site est ainsi le témoin des grands changements qui ont affecté l'île, dont en particulier la christianisation du pays en l'an 1000, mais aussi les conflits politiques à partir de la fin du XIIe siècle conduisant à un transfert progressif du pouvoir vers les grands royaumes scandinaves (Norvège puis Danemark) jusqu'à la dissolution totale de l'assemblée à la fin du XVIIIe siècle. Si l'assemblée ne fut jamais restaurée à Þingvellir, le site reprit rapidement de l'importance comme symbole du nationalisme islandais lors du mouvement indépendantiste du XIXe siècle. En 1930, lors des célébrations du millénaire du parlement, ce site historique est déclaré premier parc national du pays et le , c'est ici que la république et la fin de l'union dano-islandaise sont proclamées. Le parc national est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2004.

Þingvellir est aujourd'hui l'un des sites touristiques majeurs du pays, les visiteurs venant observer les vestiges du parlement ainsi que la nature singulière de la région. Le site est souvent combiné à la visite de la cascade Gullfoss et du champ géothermique de Geysir, dans un circuit appelé le Cercle d'or.

Fondation de l'Alþing

Selon le Landnámabók, la colonisation de l'Islande commence en 874 lorsque Ingólfr Arnarson devient le premier colon permanent en Islande[H 1]. Durant les années qui suivent, l'île se peuple peu à peu. Initialement, plusieurs assemblées locales sont organisées autour d'un chef (goði)[H 2]. Mais les colons viennent d'horizons différents (tels que la Norvège, l'Écosse, l'Irlande) et ont donc des coutumes différentes[U 1]. De plus, les assemblées n'ont pas forcément de lien familial pour en assurer la cohésion et, au contraire, des familles pouvaient être dispersées à travers le pays[U 1]. Enfin, les descendants de Ingólfr Arnarson dominent le Sud-Ouest de l'Islande et sont devenus la famille la plus puissante d'Islande, de sorte que les autres chefs ressentent le besoin de limiter l'expansion de la puissance de cette famille. Ainsi, à mesure de la croissance de la population, il devient évident que l'île a besoin d'une assemblée générale[A 1]. L'État libre islandais est fondé.

Peu avant 930, les chefs islandais envoient un homme nommé Úlfljótr en Norvège, dans le but d'étudier la loi du Gulaþing. Il revient en Islande avec la loi qui portera son nom : Úlfljótslög (« loi d'Úlfljótr »)[A 1]. Son frère adoptif Grímr Geitskór est désigné pour trouver un endroit convenable où tenir l'assemblée[A 1]. Au même moment, un fermier qui habitait à Bláskógar (qui était alors le nom de la région de Þingvellir) est déclaré coupable de meurtre[A 1]. Sa condamnation consiste au paiement d’une amende et à l’abandon de ses terres. C’est sur ces terres, qui deviennent propriété publique, qu’on décide d’établir l’Alþing, assemblée composée de 36 chefs locaux, qui se réunit pour la première fois en 930[1]. Cette région rassemble tout ce dont l'assemblée a besoin (du bois pour le feu et une prairie pour les chevaux) et est facilement accessible des régions les plus peuplées[A 1]. Le goði le plus éloigné, dirigeant l'est du pays, doit voyager durant 17 jours, les montagnes et rivières formant d'importants obstacles[A 2]. Le seul aménagement nécessaire est le détournement de la rivière Öxará vers la plaine, afin d'approvisionner le site de l'assemblée en eau[U 1].

L'Alþing pendant l’État libre islandais Une peinture montrant de nombreuses personnes réunies sur des gradins rocheux naturels. Reconstitution d'une réunion de l'Alþing au rocher de la loi.

Le parlement se réunit pendant environ deux semaines, autour du solstice d'été[H 3]. La place centrale de ces événements est le rocher de la loi (Lögberg)[H 4]. La localisation exacte du rocher en question est soumise à débat, un possible site étant Hallurinn, mais il est aussi possible que cela soit la faille d'Almannagjá[A 3]. Chaque assemblée commence avec une procession vers ce lieu et c'est là que sont faites les annonces publiques[U 2]. C'est aussi là que le diseur de loi (Lögsögumaðr) récite chaque année un tiers de la loi, afin de les garder en mémoire[H 5]. Il faut en effet attendre 1117-1118 pour que ces lois soient mises à l'écrit, dans un texte appelé Grágás[U 3]. Un autre site important est le conseil des lois (Lögrétta), qui au XIIIe siècle est devant le rocher de la loi, mais qui était probablement ailleurs auparavant[U 1]. Ce conseil est constitué probablement d'autour de 150 hommes, dont une quarantaine de goði[H 5]. C'est le conseil qui doit établir les lois, mais aussi régler les disputes[U 3]. Enfin, la dernière institution de l'Alþing est les cinq cours, une pour chacune des quatre divisions du pays (ouest, nord, est et sud[U 1]) et une pour le pays entier[U 3]. Le rôle des cours est aussi de régler les conflits : dans les quatre cours locales, il faut un accord des 36 juges pour prendre une décision, et en cas d'absence de consensus, c'est la cour nationale qui juge à la majorité[U 3].

C'est donc en ce lieu que sont prises toutes les décisions importantes. C'est en particulier le cas pour la christianisation de l'Islande. Ainsi Gissur le blanc et Hjalti Skeggjason, deux goðar convertis et ayant promis au roi norvégien Olaf Tryggvason d'évangéliser le pays, s'expriment en l'an 999 ou 1000 lors de la session de l'Alþing[H 6]. Le diseur de loi païen Þorgeir Þorkelsson est chargé de prendre la décision, et, le lendemain, il annonce au rocher de la loi que l'Islande devient chrétienne, mais que les anciennes traditions sont conservées et que le culte païen peut être exercé en privé[H 7]. La première église de Þingvellir est construite peu de temps après[U 4]. Elle est, semble-t-il, assez grande et richement ornée, gage de son importance[U 4]. Dès lors, c'est ici que se tient le conseil en cas de mauvais temps[U 1]. Juste à côté de l'église se trouve la demeure de l'évêque de Skálholt, qui dirige le conseil à partir de la christianisation[U 4].

En périphérie des sessions de l'Alþing, Þingvellir devient un lieu plein de vie pendant ces deux semaines, avec probablement 500 fermiers sur les 4 000 que compte l'île[A 2]. Il y a aussi des tanneurs, des brasseurs, des marchands, des clowns[A 2]. Durant ces deux semaines, Þingvellir devient une sorte de capitale[A 2]. En particulier, le site tient une place très importante dans la culture médiévale islandaise[U 5]. Les habitations de l'époque sont construites avec des murs en pierre et tourbe, typiquement dans un style de maisons longues vikings[U 6].

La domination étrangère

À partir du XIIe siècle, mais surtout dans la première moitié du XIIIe siècle — connue sous le nom d'Âge des Sturlungar —, l'Alþing commence à perdre son influence à cause d'importants conflits entre les différents chefs[U 3]. En parallèle, la puissance du royaume norvégien s'accroît considérablement et les Norvégiens considèrent que l'Islande tombe d'une façon ou d'une autre sous leur autorité, étant les principaux colonisateurs[U 3]. Ainsi, en 1262, les principaux chefs prêtent allégeance au roi norvégien et signent le Vieux Pacte (Gamli sáttmáli) : l'Islande doit donc payer des taxes à la Norvège en échange de sa protection, mais reste maîtresse de ses lois[U 3]. En 1281, après de longs débats à l'Alþing, le texte de loi final, le Jónsbók, liant les deux pays, est accepté, puis modifié en 1294[U 5]. Bien que l'Alþing continue à être tenu, une partie de ses anciens pouvoirs est maintenant dans les mains du roi norvégien, en particulier le pouvoir judiciaire et exécutif[U 5]. De plus, progressivement, la structure administrative change, et en particulier une grande partie des participants de l'Alþing est maintenant nommée par le roi, tels que l'homme de loi (lögmaður), remplaçant le diseur de loi[U 5].

Une petite mare dans un torrent, dans un paysage rocheux. La mare des noyées, dans l'Öxará.

À partir de la fin du XIVe siècle, la Norvège rejoint la Suède et le Danemark dans l'Union de Kalmar et le pouvoir se concentre officieusement entre les mains du Danemark[U 5]. Ceci réduit de nouveau considérablement le pouvoir de l'Alþing, même si ce dernier peut encore créer quelques lois[U 5]. En 1564, la loi dite du grand jugement (Stóridómur) est adoptée en Islande, qui en particulier augmente les sanctions pour différents crimes moraux[A 4]. Si le passage sous le gouvernement norvégien et le Jónsbók avaient déjà introduit les châtiments corporels à Þingvellir, cette nouvelle loi les rend bien plus fréquents[A 4]. Plusieurs toponymes du parc témoignent de cette violence, tels que « la mare des noyées » (Drekkingarhylur), dans la rivière Öxará près du site du parlement, où les femmes adultères étaient noyées (pour un crime similaire, les hommes étaient décapités)[U 7],[A 4],[2].

Finalement, en 1662, les quelques pouvoirs restants à l'Alþing disparaissent à leur tour, l'État libre islandais étant soumis à l'absolutisme danois[U 5]. Les lois sont alors seulement annoncées aux Islandais à Þingvellir et quelques jugements y sont prononcés[U 5]. Parachevant le déclin, d'importants séismes détruisent en partie le site de l'assemblée en 1798 ; l'Alþing est transféré à Reykjavik, puis dissout 2 ans plus tard[U 5].

Þingvellir, symbole du nationalisme islandais Peinture de la ferme de Þingvellir dans le paysage de la plaine. Peinture de Þingvellir par Þórarinn Þorláksson.

Þingvellir reste un lieu calme, loin des chemins battus pour quelque temps[A 5]. Mais, au XIXe siècle, le site devient un symbole pour le mouvement national romantique et indépendantiste islandais[U 4]. Un des héros nationaux de ce mouvement est le poète Jónas Hallgrímsson, qui, dans un poème publié en 1835, raconte que l'âme et l'esprit de l'Islande reposent à Þingvellir[U 4]. Un grand nombre d'artistes peignent les paysages de la plaine, tels le Français Auguste Mayer en 1836, le Danois Emanuel Larsen en 1846 et l'Anglais William Gershom Collingwood en 1897[U 4]. Certains nationalistes militent pour rétablir l'Alþing dans la plaine, qui est, selon eux, le seul site où les dirigeants pourraient être investis de la conscience nationale[U 4]. En 1843, par décret, le roi danois rétablit l'Alþing, mais à Reykjavik, et sans aucun pouvoir[A 5]. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, des représentants politiques de tout le pays se réunissent régulièrement à Þingvellir pour organiser le mouvement d'indépendance[A 5]. Lors de la première réunion en 1848, une pétition est signée demandant au roi de restaurer les droits de l'Assemblée nationale islandaise[A 5]. Il y a au total 25 réunions de ce type jusqu'en 1907[U 8] et elles contribuent à imposer à nouveau la plaine comme lieu de rassemblement des Islandais[A 5]. Ainsi en 1874 est organisé le festival national, commémorant le millénaire de la colonisation de l'île[U 9]. À cette occasion, le roi danois accorde à l'Islande sa propre constitution, redonnant le pouvoir à l'Alþing[U 9]. Ceci marque un des premiers pas vers l'indépendance islandaise.

Dès les premières discussions sur la conservation de la nature en Islande, Þingvellir est mentionné comme l'un des sites méritant protection[A 6]. En particulier, en 1907, Matthias Þórðarson, antiquaire national, mentionne le site et les dégâts qui avaient déjà été causés par la construction de la route dans la faille Almannagjá[A 6]. En 1913, l'enseignant Guðmundur Davíðsson publie un article où il demande à son tour une protection du site sur le modèle des parcs nationaux américains[A 6]. Cet article lance le débat officiel[A 6] et en 1928, l'Alþing déclare Þingvellir « sanctuaire national »[M 1]. Cette décision prend effet en 1930, pour commémorer le millénaire de la création de l'Alþing, et le site devient donc le premier parc national d'Islande[M 1],[U 9]. Un grand festival est tenu dans la plaine : entre 30 000 et 40 000 personnes sont réunies, ce qui représente une proportion considérable de la population islandaise[A 7].

Le 17 juin 1944, le jour d'anniversaire de la naissance de Jón Sigurðsson, héros du mouvement indépendantiste islandais[A 6], un nouveau festival est organisé à Þingvellir, au cours duquel est déclarée la fin de l'union de l'Islande avec le Danemark et la fondation de la république islandaise[U 9]. L'Alþing se réunit alors au rocher de la loi et déclara la nouvelle constitution islandaise[U 9]. Depuis, Þingvellir est resté un symbole pour l'Islande et des manifestations s'y tiennent régulièrement. En 1974, les Islandais y commémorent les 1 100 ans de la colonisation de l'île[A 7]. Puis le 17 juin 1994, le cinquantenaire de la république islandaise est célébré à Þingvellir[A 7]. Enfin, en 1999-2000, Þingvellir voit se dérouler un festival à l'occasion des mille ans de l'adoption du christianisme par l'Islande[A 7]. En parallèle, la taille du parc est augmentée à plusieurs reprises, tout d'abord dans les années 1950, puis une petite extension en 1998 pour atteindre 92,7 km2[U 10]. En 2004, il est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO avec ces dimensions[3]. Cependant, la même année, le parc est étendu à 237 km2[M 2] et l'extension du site du patrimoine mondial afin de correspondre aux frontières du nouveau parc est proposée en 2011 à l'UNESCO[4].


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(en)Jesse Byock, « The icelandic Althing - Dawn of Parliamentary Democracy », Heritage and Identity: Shaping the Nations of the North,‎ 2002 (lire en ligne, consulté le 19 janvier 2011). Jenny Jochens, Women in Old Norse Society, Cornell University Press, 1998 (ISBN 978-0801485206). « Parc national de Þingvellir », sur UNESCO World Heritage Centre (consulté le 19 décembre 2016). (en) « Þingvellir National Park », sur UNESCO World Heritage Centre (consulté le 9 février 2017).


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